Dernière mise à jour : août 2023

Le personnel pénitentiaire : un métier exposé, une charge hétérogène

L'Administration Pénitentiaire compte plus de 40 000 agents, dont près de 30 000 surveillants. Leur travail est au cœur du système pénal puisqu'il permet la bonne exécution des décisions de justice. Pour autant, le Ministère de la Justice peine à combler ses besoins humains, près de 30% des inscrits aux concours de surveillant ne s'y rendent finalement pas, et 7% des postes sont toujours vacants malgré d'intenses campagnes de recrutement. Dans un rapport d'octobre 2020, la Cour des Comptes estime qu'il faudrait 15% de surveillants en plus. 

Cette situation ne fait qu'aggraver les difficultés d'une profession déjà en souffrance, avec un métier exposé aux agressions verbales et physiques et qui effectue beaucoup d'heures supplémentaires (environ 10% du total des rémunérations). Elle n'aide pas non plus à résorber des disparités massives dans la répartition des personnels sur le territoire : alors que la charge théorique moyenne est de l'ordre de 2,5 détenus pour un surveillant au niveau national, certains établissements sont confrontés à deux ou trois fois plus de détenus à gérer pour les surveillants. 

La charge de détenus par surveillant

Un indicateur pertinent pour mesurer la charge de travail des surveillants, reflet de leurs conditions de travail et également des conditions de vie des détenus, correspond au nombre de détenus rapporté au nombre de surveillants. Nous exploitons pour cela les effectifs totaux de surveillants en poste dans chaque établissement (sans tenir compte des roulements, temps de travail réduits ou arrêts maladie par exemple), tels que renseignés dans les derniers rapports de visite disponibles du CGLPL (allant des années 2013 à 2020 selon l'établissement). Nous collectons également le nombre de personnes détenues par établissement à la même date.

Ces écarts s'expliquent en premier lieu par le fait que les effectifs de surveillants sont répartis selon la capacité théorique des établissements, et non selon la réalité de la population carcérale. De plus, certaines régions peu attractives et les prisons difficiles ont dû mal à fidéliser les personnels dans le temps, si bien que certains établissements demeurent sous-dotés par rapport à d'autres.

Ces disparités dans la charge de détenus impactent nécessairement les conditions de travail des surveillants, qui sont parfois très différentes d'un établissement à l'autre. Certaines prisons comme celle de Fresnes ont ainsi beaucoup de mal à attirer des surveillants candidats à la mutation, et doivent se résoudre à recruter quasi-exclusivement des surveillants-stagiaires, tout juste diplômés de l'Ecole Nationale l'Administration Pénitentiaire.

Ces disparités ont aussi des conséquences pour les conditions de détention des détenus. Le manque de surveillants dans un établissement peut entraîner un accès restreint aux parloirs ou aux activités, déshumaniser les rapports entre surveillants et détenus, et laisser plus de place aux agressions et au racket par exemple.

Le personnel en prison : la charge de détenus par personnel administratif

Des disparités similaires se retrouvent concernant la charge des personnels administratifs qui exercent dans les établissements. Là encore, les Maisons d'Arrêt, les Centres de Détention et les Centres Pénitentiaires concentrent les charges de détenus par personnel les plus élevées, et aussi les plus forts écarts au sein d'un même type d'établissement.

Comparaison de la charge des surveillants et des administratifs

Agressions physiques contre le personnel : quels chiffres ?

Les statistiques sur les agressions de détenus à l'encontre du personnel sont parcellaires, changeantes, et donc difficiles à consolider et interpréter - en particulier depuis les années récentes.

Depuis 2015, l'Administration Pénitentiaire indique en effet dans ses Rapports Annuels de Performance (les RAP sont soumis au Parlement et rendus publics) travailler à "la consolidation de ses données en croisant les sources entre les relevés d'incidents des établissements et les déclarations d'ITT faites par les directions interrégionales". Dans ses RAP récents, la DAP a choisi de ne plus fournir de chiffres sur les agressions physiques avec interruption temporaire de travail (ITT), se contentant de fournir des chiffres globaux mélangeant tous les types d'agressions physiques. D'un RAP annuel à l'autre, les indicateurs statistiques changent d'ailleurs. Enfin, l'Administration Pénitentiaire n'a jamais produit de chiffres sur les agressions plus fins qu'à l'échelle nationale (par direction interrégionale voire établissement par exemple). Tous ces éléments empêchent un suivi précis et rigoureux des violences subies par les personnels en détention. Des critiques similaires pourraient d'ailleurs être faites concernant les violences que subissent les détenus.

L'actuel directeur de la DAP Laurent Ridel a souhaité à son arrivée créer un observatoire des violences en détention, dénommé PRINCE. Les données de ce nouveau système d'informations ne sont à ce jour pas connues.

Quel que soit le mode de collecte et ses évolutions dans le temps, il apparait clairement que le métier de surveillant pénitentiaire est fortement exposé au risque de violences physiques, au-delà des agressions verbales.

Pour aller plus loin